
Le Premier ministre français reconduit Sébastien Lecornu prononce un discours lors d'une réunion avec les membres nouvellement nommés de son cabinet, à l'Hôtel Matignon à Paris
Le Premier ministre français, Sébastien Lecornu, a invité lundi son nouveau gouvernement à "dépasser" la crise politique, à l'orée d'une semaine à haut risque qui le verra se confronter aux motions de censure du Rassemblement national (RN) et de La France insoumise (LFI).
Le chef du gouvernement participera au Conseil des ministres mardi à l'Elysée avant de prononcer à l'Assemblée nationale un discours de politique générale dont chaque mot sera pesé, en particulier sur les sujets des retraites et de la fiscalité.
"Notre seul objectif et seule mission est évidemment de surpasser, de dépasser cette crise politique dans laquelle nous nous trouvons et qui sidère une partie de nos concitoyennes et nos concitoyens", a dit Sébastien Lecornu lundi au début d'une réunion de travail à Matignon.
L'élu normand de 39 ans a invité chacun des 34 membres de son "gouvernement de personnalités libres" à faire preuve d'un "engagement de chaque instant", d'"éthique personnelle", de "sobriété" et d'"humilité".
Plus tôt dans la journée, la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot, a annoncé sur X le dépot d'une motion de censure "signée par des député·es Ultramarins, communistes, écologistes et l'ensemble du groupe insoumis".
Les présidents des groupes RN et Union des droites pour la République (UDR), Marine Le Pen et Eric Ciotti, ont annoncé sur le même réseau avoir déposé leur propre motion.
Le RN réclame une dissolution rapide de l'Assemblée nationale, tandis que LFI privilégie l'option d'un départ anticipé du président Emmanuel Macron.
Les deux motions de censure seront examinées cette semaine et chaque voix comptera, sachant qu'une chute du gouvernement rapprocherait l'éventualité d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale.
Au regard des déclarations et de la composition de l'Assemblée où aucun groupe n'est majoritaire, Sébastien Lecornu ne pourra échapper à une censure que s'il est soutenu par tous ses partenaires et obtient a minima une abstention de la soixantaine de députés socialistes.
"Il n'y aura pas de censure si le Premier ministre s'engage sur l'abandon du 49.3 et la suspension de la réforme des retraites", a dit à Reuters le député PS spécialiste du budget Philippe Brun, en référence à l'article de la Constitution qui permet de faire adopter un projet de loi sans vote des députés.
"LA CENSURE VA SE JOUER À TRÈS PEU"
Ces propos font écho à ceux du Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, dans La Tribune Dimanche.
"La censure va se jouer à très peu. La position du PS va être déterminante. Si le gouvernement n'est pas censuré cette semaine, c'est encourageant et ça donne un vrai élan pour engager les débats", a dit à Reuters une source gouvernementale.
Concernant les autres formations politiques, l'incertitude sur le vote demeure.
"Je pense que la quasi-intégralité des députés communistes et écologistes voteront la censure", a dit le coordinateur de LFI, Emmanuel Bompard.
Les Républicains sont quant à eux partagés entre ceux qui ont quitté le gouvernement, comme le président du parti Bruno Retailleau, et ceux qui en font partie - six au total -, au risque d'être exclus de leur famille politique, comme la ministre de l'Agriculture Annie Genevard.
"Je suis libre", a dit Bruno Retailleau à la presse. "Dans ce moment de confusion où on voit que les convictions, les lignes se brouillent, nous on a une ligne claire : on n'avance pas en oblique, pas en zig-zag, on avance droit devant."
Le président du RN, Jordan Bardella, a dit pour sa part soupçonner des "magouilles de couloirs" entre PS et "macronie".
"Le Parti socialiste doit sortir de l'ambiguïté : sont-ils avec Emmanuel Macron ou sont-il dans l'opposition à Emmanuel Macron"?", s'est-il interrogé devant la presse.
DÉBAT SUR LES RETRAITES
En voyage en Egypte, le président Emmanuel Macron a invité les forces politiques à privilégier la stabilité.
"Le devoir de tous, c'est d'oeuvrer à la stabilité, ce n'est pas de faire des paris sur l'instabilité", a-t-il dit à Charm el-Cheikh dans le cadre d'un sommet sur l'accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
Le temps presse pour Sébastien Lecornu s'il veut faire adopter le budget 2026 d'ici le 31 décembre.
Un conseil des ministres est prévu mardi à 10h00 (08h00 GMT) puis le Premier ministre prononcera, "probablement à 15 heures", sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale, a précisé la nouvelle porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon.
"Voter une motion de censure, c'est voter une motion de dissolution", a-t-elle mis en garde sur RTL.
L'abandon du recours à l'article 49.3 de la Constitution, déjà promise par Sébastien Lecornu, favorisera le débat au Parlement sur tous les aspects du budget, a-t-elle estimé.
"Les forces politiques, et particulièrement le PS, doivent accepter de débattre. Le PS a demandé l'abandon du 49.3, ils l'ont eu, ils ont demandé l'ouverture d'un débat sur la fiscalité, ils vont l'avoir", a-t-elle dit.
Quant à l'épineuse question de la réforme des retraites contestée de 2023, Maud Bregeon a indiqué que Sébastien Lecornu l'aborderait dans son discours au Palais-Bourbon.
"La suspension de la réforme de la retraite, c'est la condition sine qua non de la stabilité politique", a estimé sur TF1 la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon. "Il faut pouvoir avoir un débat entre organisations syndicales, patronales, partis politiques, parlementaires, pour utiliser l'année 2026 justement de suspension de cette réforme pour dire : 'qu'est-ce qu'on veut construire ?'".
(Rédigé par Blandine Hénault, avec la contribution de Claude Chendjou, Benjamin Mallet, Geert De Clercq, édité par Elizabeth Pineau)
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